Déjà à l’automne 2021, nous avons abordé ce thème dans Scalpel. Mais le monde était alors différent. La guerre en Ukraine n’avait pas éclaté, il n’y avait donc pas de sanction et la spirale inflationniste n’avait pas été enclenchée. La peur de l’inflation est alors née notamment de l’augmentation considérable de la masse monétaire des banques nationales.
C’est pourquoi nous avons voulu une nouvelle fois aborder ce thème et demander à Stefan Walther comment traiter aujourd’hui la problématique de l’inflation en tant qu’investisseur.
Pouvez-vous nous expliquer rapidement en quoi consiste l’inflation?
L’inflation désigne l’évolution en pourcentage du montant que doivent débourser les consommateurs pour l’achat d’un certain panier par rapport à l’année précédente. En août 2022, elle a été de 3,5 % en Suisse. Les consommateurs ont donc dû payer 3,5 % de plus qu’ils n’auraient dû le faire en août 2021 pour le panier mentionné. Le pouvoir d’achat des revenus obtenus et de l’épargne a donc baissé.
Par rapport à celle d’autres pays, l’inflation de la Suisse, de 3,5 %, est réellement faible. Ce n’est donc pas un problème majeur?
Par rapport à l’étranger, avec par exemple une hausse des prix de 9,1 % dans la zone Euro et de 8,5 % aux États-Unis, cette valeur est vraiment basse. Cette tendance n’a toutefois rien de positif. Sur un compte bancaire de 100 000 CHF, la perte de pouvoir d’achat est de 3 500 CHF. Si un client possède 1,5 millions de CHF auprès de la caisse de pension avec un intérêt de 2 %, la perte de pouvoir d’achat est de 22 500 CHF. Les coûts en résultant sont donc également élevés en Suisse.
On entend souvent dire que le taux publié ne reflète pas la réalité. Par exemple, les primes des caisses maladie ne sont pas prises en compte dans ce panier. La perte est-elle donc plus importante que la valeur publiée?
L’indice suisse des prix à la consommation (IPC) reflète l’évolution des prix d’un panier le plus complet possible. Tout le monde n’est donc pas affecté dans la même proportion. L’augmentation des loyers accentue le problème pour les locataires et les personnes qui déménagent.
Les primes des caisses maladie ne sont pas prises en compte dans cet indice. Les prestations médicales, dentaires et hospitalières, ainsi que les médicaments, sont pour leur part bien compris. Les primes des caisses maladie ont quant à elles particulièrement augmenté, notamment en raison de la consommation croissante des biens de santé. Un indice des prix a pour désavantage de ne représenter que l’évolution des prix, sans tenir compte des changements d’habitudes de consommation. C’est pourquoi ces primes sont absentes de l’index.
Intéressant. Et comment peut-on se protéger de l’inflation?
Comme évoqué précédemment, les biens deviennent plus chers alors que la valeur de l’argent reste la même. C’est ce qui menace les investissements dans les biens, appelés actifs réels. Sont concernés typiquement l’immobilier et l’or, mais aussi les actions et les œuvres d’art. Les actions sont des actifs réels car elles représentent des entreprises et leurs biens immobiliers, équipements de production, brevets, etc. Les valeurs nominales sont le pendant des actifs réels, elles comprennent les obligations, l’argent liquide, les bons de caisse, etc.
Devrais-je donc investir le plus possible mon patrimoine dans des actifs réels?
En théorie oui. Mais les actifs réels n’ont pas que des avantages. L’inflation n’est qu’un critère parmi d’autres. De manière générale, la valeur des actifs réels chute plus fortement que celle des valeurs nominales. En fonction de la classe d’actifs, le manque de liquidité peut également constituer un problème.
Les actions sont sujettes à des fluctuations particulièrement importantes. Dans l’immobilier, les cycles sont bien plus longs. C’est ainsi que dans les années quatre-vingt-dix en Suisse, les prix ont baissé et que depuis maintenant plus de 20 ans, la tendance est à la hausse. Des cycles plus courts avec des évolutions plus fortes ont été observés aux États-Unis ou en Espagne. La faible offre en Suisse soutient certainement plus les prix, de manière à beaucoup plus atténuer les bouleversements chez nous.
Pour vous répondre: il faudrait investir dans les actifs réels en fonction de la capacité de risque et de la propension au risque de chacun.
Pouvez-vous m’expliquer cela?
La capacité de risque désigne la capacité économique d’un investisseur à supporter des pertes. La situation salariale et patrimoniale, ainsi que l’horizon de placement, sont alors prépondérants. La propension au risque désigne le niveau de perte qu’un investisseur est prêt à accepter personnellement.
Lequel de ces deux facteurs prévaut?
Je remarque souvent que la capacité de risque est souvent supérieure à la propension au risque. Cela est certainement dû, en partie, au fait que le franc suisse est traditionnellement très fort et stable sur le long terme. Il est compréhensible que dans beaucoup d’autres pays, les gens préfèrent investir dans des actifs réels plutôt que dans la monnaie nationale.
Que recommandez-vous aux investisseurs?
Il est nécessaire de commencer par dresser un profil de risque. Cela permet de coucher par écrit les risques qui peuvent être assumés. L’argent est ensuite réparti en différentes catégories pour pouvoir bien remplir les classes d’actifs. En effet, chaque classe d’actifs possède ses avantages et ses inconvénients. Un aperçu global est essentiel.
La création d’un portefeuille d’actions constitue la première protection contre l’inflation. Pour cela, la priorité doit clairement aller à une création régulière au fil des ans plutôt qu’à un investissement rapide ou en une seule fois. Pour l’investisseur, il est important de ne pas observer le portefeuille d’actions de façon isolée. Si une personne investit 200 000 CHF dans des actions et que la bourse chute de 15 %, comme cela a été le cas cette année, alors la perte sera de 30 000 CHF. C’est beaucoup, mais il faut la relativiser si cette personne détient une maison individuelle, une LPP, une solution 3a et quelques liquidités. Alors la perte ne sera plus que de 2 ou 3 %.
En effet, posséder son propre logement ou un bien foncier hérité constitue assurément une bonne protection contre l’inflation. Par ailleurs, les actifs immobiliers avec une couverture d’assurance sont de plus en plus répandus sur le marché. C’est ce qui les rend très intéressants, ces revenus étant exonérés d’impôt, ce qui est primordial pour le locatif.
Grâce à des taux d’intérêt en hausse, il existe de nouveau de bons produits de placement pour lesquels il faut renoncer à une partie des rendements, mais qui offrent en échange une certaine protection. Cela peut être très intéressant en complément d’un portefeuille d’actions.
Enfin, l’or peut également constituer une certaine protection contre l’inflation. Comme l’or ne produit pas de revenus courants, nous ne confierions pas une part trop élevée à cette classe d’actions. Il n’existe de toutes façons pas de recette miracle contre l’inflation. La meilleure façon de se protéger contre les différents risques est de varier intelligemment les investissements.
Comment l’indice suisse des prix à la consommation (IPC) est-il établi?L’Office fédéral de la statistique (OFS) établit l’IPC tous les mois. Pour cela, 100 000 prix par mois au total sont relevés sur place, par téléphone, sur Internet ou par correspondance dans environ 8 000 points de vente, avec environ 5 200 relevés de prix locatifs auprès des locataires participants. |