Le monde a radicalement changé depuis l’introduction de la prévoyance professionnelle obligatoire, il y a 34 ans. Les caisses de pension auraient par conséquent également dû évoluer. Mais le fait est que notre système de pension est pris en otage par la politique et que de véritables réformes sont par conséquent difficilement concevables. Mais quelle est la gravité de la situation et quelles sont les possibilités offertes au corps médical afin d’éviter les plus gros problèmes?
Évolution de la situation depuis 1985
L’espérance de vie d’un homme de 65 ans en 1985 était d’un peu moins de 15 ans et se situe maintenant à 19,7 ans. Il s’agit d’une augmentation d’environ 30 %. Le taux de conversion pour le calcul de la rente de vieillesse a parallèlement été réduit de 7,2 % à 6,8% pour les régimes obligatoires de la LPP, ce qui correspond à une réduction de 5 % seulement.
Le panorama des taux d’intérêt a lui aussi radicalement changé. Si un emprunt de la Confédération sur 10 ans rapportait encore environ 5 % en 1985, son rendement se trouve actuellement dans la fourchette négative. Étant donné que l’inflation a également diminué au cours de la même période, la baisse des taux d’intérêt serait en réalité supportable si les retraités ne bénéficiaient pas de pensions mathématiquement trop élevées et de taux d’intérêt excessivement hauts.
Quels effets cela a-t-il concrètement?
Un simple calcul révèle la problématique. Si une fondation collective souhaite verser une rente avec un taux de conversion de 6,8 % à un homme âgé de 65 ans et ayant un peu moins de 20 ans d’espérance de vie, elle a besoin d’un rendement de 3,5 % par an, faute de quoi la fondation serait à défaut d’argent avant l’heure. Ce calcul n’a par ailleurs pas tenu compte du fait qu’après le décès du retraité, souvent, un partenaire de vie continue à percevoir une rente de partenaire survivant. Comment la fondation collective peut-elle financer cet écart? D’autres régimes d’assurance sociale comblent ces différences avec l’argent des contribuables ou accumulent simplement la dette. Ces possibilités n’existent pas pour les fondations de prévoyance non étatiques. Les frais doivent être couverts par la fondation et doivent donc être imputés au revenu de l’assuré actif. Ce système est perfide en ce que cette redistribution n’est absolument pas remarquée. Quel assuré actif connaît réellement la différence entre les taux d’intérêt effectivement générés et ceux effectivement crédités sur sa fortune de prévoyance, corrigés par rapport à l’évolution du taux de couverture?
Combien peut coûter cette redistribution?
Nous avons analysé ces trois dernières années à l’aide d’un exemple concret: la performance moyenne a été de 5 % par an, le degré de couverture a augmenté en moyenne de 1 % par an et les capitaux de couverture ont profité d’un intérêt d’environ 2 %. Les 2 % non répartis ont été utilisés pour rembourser les pertes de rente et les pertes dues à la réduction du taux d’intérêt technique. Ainsi, un assuré actif devait supporter des coûts de redistribution annuels de 2 000 CHF par 100 000 CHF de fortune de prévoyance.
Que peut y faire un seul assuré?
En Suisse, la plupart des assurés n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre car l’employeur choisit la fondation de prévoyance. L’ indépendant ou le titulaire d’une société anonyme est par contre largement avantagé sur ce point de vue. Une analyse détaillée des caisses de pension potentielles est ici essentielle. Outre le taux de couverture et le taux de conversion, le taux d’intérêt technique appliqué et le rapport entre le nombre d’assurés actifs et celui des retraités sont également d’importants critères de sélection. Le fait est cependant qu’il n’existe guère de fondation n’effectuant pas de redistribution.
Les plans pour cadres sous forme de solutions 1e sont une autre possibilité (cf. graphique). Étant donné que seuls les éléments de salaire supérieurs à 127 980 CHF sont ici assurés, les directives des fondations « normales » ne s’appliquent pas ici. Cela élimine par conséquent la problématique du taux d’intérêt minimum et du taux de conversion.
Les avoirs des assurés sont, dans le cadre des plans 1e, investis dans des titres, ce qui permet aux assurés de définir eux-mêmes leur stratégie de placement. Les profits sont ainsi pleinement destinés à l’assuré, mais ce dernier doit également supporter les pertes éventuelles. Une redistribution n’a pas lieu parce que chaque solution de prévoyance est exclusive.
Les plans pour cadres avec des titres sont-ils plus risqués que les fondations collectives?
Cela semblerait être le cas au premier abord. Le certificat de prévoyance d’une fondation collective indique toujours les avoirs actuels. Celui-ci n’est apparemment pas soumis aux fluctuations et augmente chaque année en fonction des cotisations d’épargne et bonifications d’intérêts. Mais cet avoir fluctue en réalité. Ce n’est pas visible par l’assuré parce que la fondation détourne une partie du rendement et la constitue en réserve. La réserve est considérée comme taux de couverture. Si l’assuré devait quitter cette fondation, il percevrait 100 % de l’avoir. Les réserves constituées avec ce dernier restent cependant à la fondation. Les personnes assurées pourraient être confrontées à des mesures d’assainissement si la fondation devait se retrouver en situation fort délicate et que le taux de couverture ne devait plus être de 100 %. Il peut également arriver, en cas de sortie, que la personne assurée, en fonction des arrangements contractuels, n’obtienne pas 100 % du capital et doive participer aux pertes. En examinant maintenant une stratégie concrète de placement de fondation, elle ne diffèrera pas significativement d’une potentielle stratégie de placement dans le cadre d’un plan pour cadres (cf. graphique).
Conclusion?
La réelle gravité de la situation dépend de nombreux facteurs et ne peut être considérée de façon globale. Nous recommandons à nos clients de faire analyser de façon approfondie les différentes solutions de prévoyance par un spécialiste. Il est par ailleurs dans de nombreux cas judicieux de répartir entre deux fondations afin de mieux diversifier sa prévoyance et d’en accroître la flexibilité. Un investissement en valeurs mobilières est certainement aussi une alternative à examiner en fonction de la disposition au risque.